Entrer à la PJJ par hasard et ne plus vouloir en partir...
Dans ma carrière, j'ai rencontré beaucoup de professionnels pour qui les métiers du social étaient une vocation. Ce ne fut pas mon cas, pas à mon entrée dans le monde professionnel en tout cas. Pour ma part, tout en réalisant mes études universitaires, je me destinais plutôt à l'enseignement. Les chemins de la réussite sont parfois tortueux et surprenants. J'ai tour à tour travaillé dans le privé, en tant que professeur contractuel, et j'avais même démarré une carrière administrative que j'aurais pu continuer mais qui ne me correspondait pas. J'ai découvert la PJJ au travers de son administration, dans des bureaux et j'y ai rencontré des personnes m'incitant à passer le concours d'éducateur, car ils estimaient que je pourrais m'épanouir dans ce métier. Depuis j'essaie d'être au jour le jour un bon professionnel, qui écoute son public, lui trouvant des solutions, le rendant acteur de sa situation. Je m'efforce d'accompagner des adolescents qui ne demandent pas d'aide parfois, qui refusent les contraintes souvent ou ne comprennent pas toujours la nécessité de vivre avec des règles. Aujoud'hui je travaille en détention, un lieu que que je ne souhaite à personne, et encore moins à un adolescent. Mon objectif est que chacun soit libéré en ayant compris, en ayant appris de ses échecs et erreurs, que ses transgressions ne se reproduisent pas. Depuis maintenant quelques années, je m'épanouis dans une fonction de coordinateur culturel. Je tente de mettre en place des actions autour de la Culture afin de valoriser le public, pour qu'il se découvre des compétences et des envies. Rien n'est simple dans ce métier, il y a forcément des déceptions mais les expériences sont toujours enrichissantes. Et la réussite d'un projet, voir un jeune se donner les moyens de réussir n'a pas de prix.
Je conduis des projets artistiques auprès des jeunes en prison !
Je travaille dans un Etablissement Pénitentiaire pour Mineurs, et occupe la fonction de Coordinateur Culturel. Tout en étant en lien permanent avec le public, j'essaie de construire et de proposer des actions culutelles permettant aux éducateurs d'observer et de mettre en valeurs les adolescents incarcérés. Faire sortir un jeune de cellule, c'est lui permettre de respirer, de passer du temps avec les adultes, apprendre à le connaitre, essayer de créer de la confiance. Un projet autour de la danse, de l'écriture, de la lecture ne permet probablement pas de constuire un projet d'insertion et induire sa remise en liberté mais de créer du lien. Sans lien il n'y pas de relation éducative pour moi. La Culture est accessible à tous. Regarder un film, avoir la chance de faire venir une exposition d'oeuvres d'art, faire des ateliers d'écriture, inviter un réalisateur ou un écrivain, permettre la rencontre avec un journaliste en exil... Il n'y pas de limites à ce que l'on peut proposer, du moment que cela est réfléchi et constuit pour servir notre public.
J'apprends tous les jours
Travailler auprès d'un public tel que le notre est difficile mais enrichissant. Comprendre une situation familiale, étudier un parcours de vie, tenter de faire comprendre à votre interlocuteur les raisons de son passage à l'acte, nécessite un effrort constant qui me motive. Il n'y a pas un jour pareil, il n'y a pas de situation totalement identique. Travailler sur de l'humain oblige à se remettre à chaque fois en question, à trouver de nouveaux outils, à découvrir de nouvelle solutions les plus adaptées. Il faut apprendre à écouter tout en se faisant nous-même comprendre.
Sois humble !
Notre métier apprend l'humilité. Que ce soit face aux situations rencontrées, face aux solutions envisagées, face aux décisions de Justice, j'ai appris à mettre certaines certitudes de côté.
L'éducatif n'est pas une science exacte, toutes les situations sont différentes, chaque jeune a sa spécificité. Nouer un lien, comprendre un acte, trouver un solution adaptée, tout demande de la réflexion et une prise de recul constante. L'éducateur n'est pas omnipotent ou omnicient, il ne remplace pas un père, une mère, un grand frère, n'est pas juge, avocat, professeur, psychologue. Il est parfois un peu tout et rien à la fois, l'éducateur ne sait pas toujours trouver sa place dans le parcours d'un jeune, encore plus quand ce dernier ne veut pas de nous.
L'éducateur ne fait pas à la place du jeune, il le guide pour qu'il puisse trouver lui-même son chemin quitte à se tromper de route à plusieurs reprises.
L'éducateur n'est pas seul et doit travailler en équipe ou en partenariat afin de construire les meilleurs projets.
« Ton livre, je l’ai saigné en deux heures » !
C'est difficle d'être fier dans notre travail à mon sens, car rien n'est jamais acquis. Mais les réussites sont parfois toutes simples et quotidiennes.
Mon rôle, parmis d'autres, est d'essayer de faire découvrir la lecture. Il y en a beaucoup qui ne lisent pas. Je me souviens d'un jeune, venant pour la première fois à la bibliothèque, refusant dans un premier temps mes conseils. Ce n'est pas un problème pour moi, c'est son choix, je n'insiste pas. Puis à la fin de la séance, il se ravise, pas très sûr de lui mais me demande UN livre. Je venais de passer 30 minutes avec lui, à peine le temps de prendre la mesure de ce jeune. Je choisis un livre, pas très épais, écrit en gros caractères, mais avec un titre accrocheur.
Le lendemain, je passe dans la cour, accompagné de deux intervenants et j'entends ce jeune, à sa fenêtre et qui crie "Fabrice, ton livre, je l'ai saigné en deux heures !".
Ce jeune m'avait avoué n'avoir jamais fini un livre auparavant. Il a lu celui-ci en 2 heures, pendant lesquelles il a pu s'évader un peu, être tranquille, n'embéter personne. J'ai été content ce jour là et assez fier de lui.